Utilisation abusive d’une procuration compte bancaire personne âgée
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L’utilisation abusive d’une procuration sur un compte bancaire d’une personne âgée peut être sévèrement sanctionné tant sur le plan pénal que sur le plan civil, puisqu’un tel abus est susceptible de constituer un recel de succession avec toutes les sanctions qui s’y attachent.
Le présent article traite de l’utilisation d’une procuration sur un compte bancaire d’une personne âgée du temps de son vivant. Pour en savoir plus sur une utilisation de procuration après décès : 4 points sur la procuration sur compte bancaire après décès.
1- Utilisation abusive d’une procuration sur compte bancaire d’une personne âgée ? Demandez au mandataire de rendre des comptes !
Conformément à l’article 1933 du code civil, celui qui reçoit une procuration sur compte bancaire d’une personne âgée doit rendre compte de sa gestion au mandant. Ainsi, celui qui se voit confier une telle procuration sur un ou plusieurs compte bancaire doit informer la personne âgée de l’ensemble des opérations qu’il réalise : paiements par carte bancaire, virements ou chèques, etc. Au-delà tous les faits réalisés en lien avec la procuration sur compte bancaire de la personne âgée doivent donner lieu à une information.
La difficulté est que le bénéficiaire d’une telle information est en principe le titulaire du compte bancaire, à savoir la personne âgée. Ainsi, si la personne âgée confie une procuration à l’un de ses héritiers (enfant, petit-enfant, neveu, nièce, conjoint, ou autre personne tierce) il peut être plus difficile pour les autres personnes en lien avec la personne âgée, et appelées à succéder lors de son décès, de demander des comptes à la personne qui s’est vue confier la procuration.
Néanmoins, en cas d’utilisation particulièrement abusive et démontrable, ne vous recommandons de faire appel à un Avocat expert en droit des successions qui vous conseillera sur les démarches et actions possibles.
2- Utilisation abusive sur compte bancaire du défunt et recel successoral
Beaucoup pensent que l’utilisation abusive d’une procuration sur le compte bancaire d’une personne âgée constitue forcément un recel successoral.
Il convient toutefois d’être vigilant avec une telle notion et nous vous invitons à lire la page suivante pour mieux comprendre cette notion juridique : recel successoral.
L’utilisation abusive d’une procuration sur compte bancaire d’une personne âgée pourra toutefois être qualifiée de recel d’héritage dans le cas où la personne a effectivement abuser de sa position pour détourner des fonds à son profit, notamment via des virements et chèques bancaires déposés sur son propre compte, sans en informer ses cohéritiers au moment du règlement de la succession.
S’il n’est pas démontré que l’utilisation prétendument abusive de la procuration sur le compte bancaire de la personne âgée a profité à la personne bénéficiaire de ladite procuration, les demandes de condamnation en recel successoral et rapport à la succession pourront échouer…
Pour en savoir plus : preuve de l’utilisation abusive d’une procuration compte bancaire.
Exemple : CA Douai, 15-04-2021, n° 19/00720
« Sur le rapport
Il résulte de l’article 1993 du code civil que l’héritier bénéficiaire d’une procuration doit rendre compte de la gestion qu’il a faite des fonds provenant des comptes sur lesquels il disposait de cette procuration et en particulier justifier que les fonds qu’il a pu prélever ont été utilisés dans l’intérêt de son mandant ou que les chèques qu’il a pu émettre correspondaient à des opérations faites au profit de celui-ci. A défaut, les sommes prélevées par l’héritier doivent être rapportées à la succession.
Enfin, l’article 9 du code de procédure civile dispose qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions.
En premier lieu, il convient de relever que si l’existence des deux procurations consenties par M. Ah Ab au profit de ses filles Aa et Pascale n’est pas contestée, force est de constater que la procuration en date du 12 juillet 2019 signée par M. Ah Ab et Mme Ae Af, ne comporte pas la signature de Mme Ag Ab alors que M. Ad Ab ne justifie pas de l’existence de virements ou de retraits réalisés à son profit de sorte qu’il y a lieu de débouter M. Ab de l’ensemble de ses demandes formées à l’encontre de Mme Ag Ab.
Mme Ac fait valoir que M. Ah Ab gérait seul ses comptes et réglait la plupart de ses dépenses en espèces, les procurations consenties à ses filles n’ayant pour objectif que de lui éviter des déplacements à la poste en permettant à ses filles de retirer des espèces pour son compte.
Au soutien de ses prétentions, elle verse aux débats un carnet rouge, appartenant à M. Ah Ab, sur la première page duquel lequel figurent la mention manuscrite de la date «’1993’» ainsi que des dates «’2007-08-09-10-11-12″» et, en son milieu, des mentions manuscrites correspondant aux dates précises et aux montants de l’ensemble des retraits réalisés sur les comptes de M. Ah Ab entre le 4 mai 2007 et le 14 décembre 2012, l’authenticité de ce document n’étant pas remise en cause.
Alors qu’il n’est pas contesté que M. Ah Ab ne présentait, jusqu’à son décès, aucune altération de ses facultés mentales et ne bénéficiait pas d’une mesure de protection, il résulte des éléments du dossier qu’il a souscrit, le 16 février 2012, un contrat d’assurance-vie Vivaccio auprès de la Banque Postale pour un montant de 19 000 euros et désigné ses enfants en qualité de bénéficiaires à parts égales de sorte que la preuve est rapportée que M. Ab a assuré seul la gestion de ses comptes jusqu’à son décès en assurant lui-même le suivi de l’ensemble des retraits réalisés sur ses comptes bancaires, étant observé que seuls des retraits d’espèces sont contestés en l’absence de chèques ou de virements litigieux.
Par ailleurs, il résulte des attestations du médecin traitant et de l’ergothérapeute de M. Ah Ab que s’il était diminué physiquement, il avait conservé l’intégralité de ses facultés intellectuelles et que ses filles Aa et Pascale étaient particulièrement investies dans la prise en charge de leur père, lui rendant régulièrement visite et organisant son maintien à domicile conformément à son souhait, avec l’intervention quotidienne d’infirmières et d’auxiliaires de vie.
En outre, alors que l’examen des relevés de compte de M. Ah Ab met en exergue le fait que l’ensemble de ses dépenses était réglé par espèces, en l’absence de tout prélèvement ou débit de chèques, il résulte de l’ensemble de ces éléments que M. Ah Ab a conservé la maîtrise de la gestion de ses comptes jusqu’à son décès. Par ailleurs, les annotations du petit carnet rouge tendent à démontrer que le défunt a progressivement donné quitus à ses filles des sommes retirées en espèces sur son compte, l’usage de leur procuration étant en réalité limité au seul retrait d’espèces.
De plus, alors que la charge de la preuve incombe à M. Ab, celui-ci ne justifie pas que ses soeurs aient directement bénéficié des fonds retirés ou de donations indirectes ou manuelles alors même qu’il n’est pas contesté que les parties se sont partagées la somme de 40 000 euros en espèces après le décès de leur père, l’existence de cette épargne tendant à conforter le fait que le défunt récupérait les espèces retirées sur ses comptes.
En conséquence, M. Ab ne peut se prévaloir du défaut de reddition des comptes par Mme Ac et Mme Af pour prétendre à un rapport des sommes à succession et il sera donc débouté de l’ensemble de ses demandes de ce chef.
La décision entreprise sera donc infirmée sur ce point. »
Pour toute interrogation relative à cette page, vous pouvez contacter un Avocat spécialisé dans les successions du Cabinet Ébène Avocats.