Successions : louer un bien indivision, qui doit percevoir les loyers ?
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Les successions impliquent des situations d’indivision entre les héritiers. Louer le bien en indivision est possible mais cela peut entraîner des conflits entre les héritiers, notamment sur la question de savoir qui doit percevoir les loyers.
1- Est-ce possible de louer (donner en location) un bien en indivision ?
Louer un bien en indivision est parfaitement possible. Il peut s’agir d’une maison ou d’un appartement indivis par exemple. Souvent, les héritiers qui possèdent le bien en indivision ne décident pas de mettre en location le bien lors de l’ouverture de la succession, mais le locataire était déjà en place avant le décès.
Dans le cas où aucun locataire ne vivait dans le bien lors de l’ouverture de la succession – indivision, les indivisaires peuvent se mettre d’accord pour louer le bien en indivision, ou plutôt le mettre en location.
2- Que se passe-t-il si tous indivisaires ne sont pas d’accord pour louer le bien en indivision ?
Si tous les indivisaires ne sont pas d’accord pour mettre en location le bien indivis, un indivisaire peut saisir le Président du tribunal judiciaire, en mandatant un Avocat en droit des successions. De la même façon qu’il est possible de saisir le Président du tribunal en cas de refus d’un héritier de vendre le bien en indivision.
3- La question de la perception des loyers en indivision ?
Qui doit percevoir les loyers en indivision ? Les indivisaires qui ont mis en location le bien indivis ont chacun droit à une quote-part du loyer perçu. Attention à la prescription de 5 ans pour réclamer les fruits d’un bien indivis !
Pour en savoir plus : qui doit percevoir les loyers en indivision ?
4- Comment faire si un indivisaire ne perçoit pas ses loyers en indivision ?
L’indivisaire qui n’a pas reçu sa quote-part de loyers du bien en indivision peut là aussi, saisir le Président du tribunal judiciaire avec son Avocat. Il pourra demander qu’il soit ordonné une répartition provisionnelle du bien en indivision, en l’attente du règlement définitif de la succession, et éventuellement de la vente du bien indivis. Pur en savoir plus : 2 solutions en cas de désaccord sur la vente d’un bien en indivision successorale.
Exemple d’affaire récente relative au contentieux de la location d’un bien en indivision :
CA Paris, 1, 2, 01-04-2021, n° 20/03938
« L’article 815-9 du code civil dispose (…)
Il résulte en outre de l’article 815-10 du code civil (…)
L’article 815-11 du même code (…)
Il convient enfin de préciser que la répartition provisionnelle des bénéfices est une faculté, laissée à l’appréciation des juges du fond.
(…)
Deux fins de non-recevoir sont en outre soulevées par l’appelant, qui fait valoir que les demandes seraient irrecevables car prescrites et mal dirigées.
La cour écartera d’abord le moyen tiré du fait que Mme B aurait dû diriger son action contre l’indivision successorale, et non contre M. A, alors :
– qu’une indivision ne dispose pas d’une personnalité juridique, de sorte que Mme B n’aurait pas pu en toute hypothèse assigner l’indivision successorale ;
– qu’elle a justement agi contre M. Aa A sur le fondement de l’article 815-11 du code civil, étant rappelé que seuls l’appelant et l’intimée demeurent, à ce jour, en indivision successorale.
Concernant la fin de non-recevoir tirée de la prescription, il sera indiqué pour mémoire qu’aux termes de l’article 815-10 alinéa 3 du code civil, aucune recherche relative aux fruits et revenus ne sera toutefois recevable plus de cinq ans après la date à laquelle ils ont été perçus ou auraient pu l’être. M. A déduit de cette disposition que Mme B serait irrecevable à agir pour tous les revenus perçus par l’indivision antérieurement au 25 septembre 2014, ayant engagé la présente action par assignation délivrée le 25 septembre 2019.
Reste que, comme rappelé en première instance, Mme B a délivré, dès le 19 mars 2008, une assignation tendant à l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision (sa pièce 22), sollicitant en outre qu’il soit procédé à la vente sur licitation des biens immobiliers situés 60 rue de Seine et 23-25-27 rue de Buci, avec mise à prix à 11.000.000 euros et, si le tribunal l’estime utile, que soit désigné un expert pour estimer l’immeuble litigieux.
Cette procédure est à ce jour toujours pendante.
Il s’en déduit que Mme B a ainsi, dès 2008, manifesté sa volonté de voir s’ouvrir les opérations de comptes, liquidation et partage, incluant nécessairement la recherche relative aux fruits et revenus, la prescription ayant dès lors été régulièrement interrompue.
Les fins de non-recevoir seront donc écartées.
Sur le fond du litige, après avoir rappelé que la cour n’est ici saisie que de demandes en répartition provisionnelle des bénéfices et en avance sur capital, de sorte que la plupart des développements sur les divers contentieux entre les parties sont sans effet sur la solution du présent litige, il sera indiqué :
– que, s’agissant en premier lieu de la répartition provisionnelle des bénéfices, il résulte du jugement du 5 novembre 2018, confirmé sur ce point en cause d’appel, que M. A, au titre du loyer à verser, fixé en application du contrat de location-gérance à 146.500 euros annuels, est redevable de la somme de 2.099.066 euros à l’indivision, pour la période du 1er avril 2003 au 31 août 2017, sous réserve des loyers qu’il justifierait avoir effectivement réglés ;
– que, pour la période allant du 31 août 2017 au 28 février 2021, le loyer à verser correspond à un total de trois ans et demi, soit une somme totale de 509.600 euros [146.500X3 + (146.500/2)] ;
– qu’au total, pour la période allant du 1er avril 2003 au 28 février 2021, les loyers à verser pour la location-gérance à l’indivision sont de 2.099.066 + 509.600 soit 2.608.666 euros ;
– que, eu égard aux droits de chacun dans la succession qui ne sont plus contestés, soit 1/4 pour Mme B et 3/4 pour M. A, Mme B a droit à un quart des sommes versées, soit 652.166,50 euros, sous réserve d’une part de la justification par M. A des loyers effectivement versés et sous réserve d’autre part de la déduction des charges venant au passif ;
– que M. A fait état (notamment ultimes communications de pièces, pièces 70 et 71, incluant un rapport sommaire d’un expert, M. Ah, mandaté hors cadre judiciaire par M. A) de résultats suivants pour l’indivision : -95.560 euros en 2019, +42.477 euros en 2018, -16.620 euros en 2017, -50.558 euros en 2016, -54.523 euros en 2015, -78.963 euros en 2014, -474.905 euros en 2013, +846 euros en 2012, +7.180 euros en 2009, +6.254 euros en 2008, +5.537 euros en 2007, +2.016 euros en 2006, -61.307 euros en 2005, +40.985 euros en 2004 ;
– que les bénéfices réalisés apparaissent ainsi très aléatoires selon les années, dans des conditions difficilement explicables ;
– que, e, comme l’indique indique à juste titre Mme B, , aucune pièce versé versée par l’appelant ne vient justifier de ce qu’il se serait acquitté à l’indivision des sommes dues au titre du loyer ;
– que l’appelant ne conteste pas non plus ne pas avoir versé, ce jour, une quelconque somme à l’intimée au titre des bénéfices réalisés ;
– que, surtout, comme l’a d’ailleurs déjà relevé la cour (Pôle 3 – Chambre 1) dans son arrêt du 7 octobre 2020, la preuve des paiements ne peut être rapportée par la seule production de déclarations sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux et des bilans et comptes de résultats de l’indivision, ce nonobstant le courrier du conseil de Mme B du 7 février 2019 (pièce 56 appelant) faisant état de ce qu’il ne s’agissait pas, dans la procédure ayant abouti à l’arrêt du 7 octobre 2020, de procéder à la détermination de ce qui avait été effectivement payé ;
– que l’intimée expose aussi, à juste titre, l’absence de justification par M. A des charges venant au passif, au regard des documents produits, tels que rappelés ci-avant ; qu’il faut à nouveau rappeler que la seule production de déclarations sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux et des bilans et comptes de résultats de l’indivision ne permettent pas d’établir la réalité du passif allégué, M. Ah, l’expert mandaté par les soins de l’appelant, exposant d’ailleurs qu’il a exclusivement travaillé sur les pièces remises par celui-ci sans que ne soit évoquée la justification des dettes de l’indivision successorale ;
– qu’au demeurant, Mme B observe valablement que l’éventuel passif, qui résulterait des impôts dus et des charges de copropriété, ne dépasserait pas en toute hypothèse 60 % des bénéfices réalisées par l’indivision, ce qui ne ramènerait la part à laquelle elle pourrait prétendre qu’à la somme de 260.866,60 euros ;
– que, contrairement à ce qu’indique M. A dans ses observations complémentaires à la suite de l’arrêt du 7 octobre 2020, l’établissement des comptes entre les parties à venir, rendu nécessaire par cette décision, n’empêche pas d’ordonner, à titre provisionnel, une quote-part sur le fondement des dispositions de l’article 815-11 du code civil ;
– que, dès lors, la cour retiendra, tout comme le premier juge, que la somme de 230.000 euros, avec capitalisation des intérêts, peut être à juste titre accordée à Mme B au titre de la répartition provisionnelle des bénéfices réalisés par l’indivision successorale, une telle somme ne constituant qu’une partie de la somme à laquelle elle pourrait prétendre au regard des calculs rappelés ci-avant et des pièces versées aux débats, étant rappelé au demeurant que la répartition provisionnelle des bénéfices est une faculté, laissée à l’appréciation des juges du fond, et que cette somme est accordée sous réserve d’un compte à établir lors de la liquidation définitive ;
– qu’en second lieu, concernant l’avance en capital, son octroi est notamment subordonné au caractère disponible des fonds en cause ;
– que, sur ce point, c’est à tort que Mme B indique que la disponibilité des fonds ne poserait aucune difficulté au motif que ce montant est inférieur à la soulte due par M. A dans un projet d’état liquidatif désormais remis en cause, soulte fixée par Me Cagniart à la somme de 1.405.572,12 euros ;
– qu’en effet, la fixation des droits de chacun dans le partage à intervenir ne permet pas d’établir en l’état le caractère disponible des fonds à ce jour, de sorte que la cour, tout comme le premier juge, ne peut que constater que les conditions pour accorder l’avance en capital ne sont pas réunies, le critère du caractère disponible des fonds n’étant pas établi.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de confirmer la décision entreprise en tous ses éléments, le sort des dépens et des frais non répétibles de première instance ayant été en outre exactement réglé par le premier juge. »