3 points sur la créance d’un héritier sur la succession
Un héritier peut parfaitement invoquer une créance sur la succession lorsqu’il est chargé de la gestion des biens de l’indivision ou lorsqu’il a effectué des dépenses indispensables à la conservation du bien indivis. Vous trouverez ci-dessous 3 types de créances d’un héritier sur la succession.
La créance qu’un héritier peut revendiquer sur une succession est un sujet complexe qui dépend de l’organisation de la succession, de l’indivision successorale et des principes juridiques qui régissent les créances dans ce contexte.
Cette page a été rédigée par le Cabinet Ébène Avocats.
1- Principes généraux applicables à la créance d’un héritiers sur la succession
Division des créances entre héritiers
Les créances de sommes d’argent dont le défunt était titulaire sont divisibles de plein droit entre les héritiers. Selon l’article 1309 du Code civil, chaque héritier est personnellement tenu des dettes et créances de la succession pour la part successorale dont il est saisi. Cela signifie que chacun des héritiers peut demander le paiement de la dette ou exercer des droits de créance, mais uniquement dans la limite de sa propre part successorale. Le principe de division des créances est également applicable dans les successions acceptées purement et simplement. Par exemple, si deux héritiers ont des droits égaux dans la succession, chacun ne peut réclamer qu’une moitié de la créance au débiteur de la succession.
Créances dans l’indivision successorale
Dans les rapports entre héritiers, les créances du défunt sont considérées comme appartenant à la masse indivise. Avant le partage de la succession, une cession de créance du défunt ne peut être réalisée qu’avec le consentement unanime de tous les héritiers. Si une créance est attribuée à un héritier lors du partage, l’effet déclaratif du partage s’applique. Cela signifie que l’attributaire de la créance est réputé en avoir toujours été titulaire, tandis que les autres héritiers n’ont aucun droit rétroactif sur cette créance.
Créances d’un héritier contre la succession
Lorsqu’un héritier revendique une créance contre la succession, cette créance est en principe opposable à l’ensemble des cohéritiers. Cependant, l’héritier peut n’assigner qu’un seul cohéritier en justice pour faire constater et liquider cette créance. La décision rendue sera toutefois inopposable aux autres héritiers qui n’ont pas été attraits dans la cause. Cela repose sur le principe de division des dettes et créances entre les héritiers, tel qu’établi par l’article 873 du Code civil.
Lorsqu’on évoque la question de la créance d’un héritier sur la succession, la première situation qui vient à l’esprit du juriste est celle où le défunt était propriétaire de plusieurs biens en indivision, que ceux-ci étaient loués à des tiers, etc. Il peut d’ailleurs s’agir de baux d’habitation ou de baux commerciaux. Cette situation implique parfois un travail de gestion important. Lorsque ce travail est réalisé par un indivisaire, pour le compte de l’ensemble des indivisaires et cohéritiers, il est normal que l’indivisaire et héritier en question puisse faire valoir un droit de créance sur la succession. Ce droit de créance est d’ailleurs expressément prévu à l’article 815-13 du code civil.
2- Cas particulier des dépenses de conservation
Les problématiques de créance d’un héritier sur la succession peuvent également résulter de cas dans lesquels un héritier a réalisé des dépenses d’entretien sur le bien indivis : maison, appartement, etc. Cet héritier indivisaire peut alors légitimement prétendre que les dépenses qu’il a engendrées ont profité à l’ensemble des indivisaires, et réclamer ainsi paiement d’une créance sur l’indivision. L’héritier peut en effet agir en ce sens devant le tribunal judiciaire via son Avocat en droit des successions, qu’il soit héritier réservataire ou non réservataire.
3- Cas particulier des dépenses d’amélioration du bien indivis et aide de la personne décédée
Il est important d’opérer une distinction entre les dépenses de conservation d’un bien en indivision, et les dépenses d’amélioration ; ces dernières ne pouvant donner lieu en principe à un droit de créance d’un héritier sur la succession. De la même façon, un héritier ne peut réclamer aux autres successibles une créance d’assistance, au titre d’une aide de la personne décédée lorsqu’elle était âgée… Pour en savoir plus : « Je me suis occupé de mes parents » : créance sur la succession ?
CA Douai, 01-04-2021, n° 19/01502
« Sur les créances sollicitées par les consorts Ab
Aux termes des dispositions de l’article 815-13 du code civil, (…)
Des travaux d’entretien, qui ne constituent pas des dépenses d’amélioration ni de conservation, n’ouvrent pas droit à indemnité au titre de l’article 815-13 susvisé.
En outre, l’article 815-12 du même code dispose (…)
En l’espèce, les consorts Ab font valoir qu’ils ont, depuis le décès de leur père, assisté leur mère notamment en entretenant et en conservant le bien familial et, qu’après leur décès de leur mère survenu le 29 juin 2012, ils ont continué à prendre en charge l’entretien intérieur et extérieur de la maison et procédé notamment au déménagement des meubles lors de la vente de l’immeuble en décembre 2015 sans que M. Ad Ab ne participe ni financièrement ni par une quelconque aide à l’entretien de la maison.
A ce titre, ils sollicitent une valorisation de leur compte d’administration pour une somme de 22 966,43 euros concernant M. Aa Ab et pour une somme de 22 900,20 euros s’agissant de M. Ac Ab, leurs calculs distinguant le coût de l’entretien extérieur et le coût de l’entretien intérieur de la maison pour la période comprise entre 2003 et juin 2012 d’une part et pour celle comprise entre juin 2012 et décembre 2015, d’autre part.
Concernant la période antérieure au décès de Mme Af veuve Ab comprise entre 2003 et juin 2012, c’est à juste titre que le premier juge a relevé qu’alors que Mme Af veuve Ab était usufruitière de l’universalité des biens dépendant de la succession de son époux prédécédé, M. Aa Af et M. Ac Af ne sont pas fondés à solliciter, en leur seule qualité de nu-propriétaires, l’indemnisation de l’activité déployée dans l’immeuble pour cette période, les dépenses d’entretien étant à la charge du seul usufruitier.
En cause d’appel, les consorts Ab font valoir que leur travail d’entretien de l’immeuble réalisé à la place de leur mère, qui était dans l’incapacité d’assumer ces tâches, a bénéficié à l’ensemble de la succession en évitant un recours à des prestataires extérieurs et justifie la reconnaissance à leur profit d’une créance d’assistance.
Il convient de relever que l’enfant est tenu d’un devoir moral d’assistance envers ses parents et se trouve fondé à revendiquer une créance d’assistance envers la succession sur le fondement de l’enrichissement sans cause, à condition de prouver que l’aide apportée a excédé l’exercice de son devoir moral d’assistance en l’appauvrissant tout en enrichissant le parent assisté.
Alors que les consorts Ab ne font état que d’une aide limitée à l’entretien tant intérieur qu’extérieur de l’immeuble indivis, il ne résulte pas des pièces produites aux débats que cette assistance ait permis d’enrichir la défunte, et par là-même sa succession, en lui faisant économiser le coût d’une prestation dispensée par des professionnels.
En outre, si la réalité de l’aide apportée par les consorts Ab à Mme Af veuve Ab dans l’entretien de l’immeuble indivis ne saurait être valablement contestée alors que celle-ci a été victime d’un accident cardio-vasculaire en 2003 et contrainte de résider dans une maison spécialisée, ils ne justifient pas que cette aide excède l’exercice de leur devoir moral d’assistance en sacrifiant leur vie professionnelle ou leurs loisirs du fait de l’assistance portée à leur mère.
En conséquence, les consorts Ab seront déboutés de leur demande à ce titre pour la période antérieure au 29 juin 2012, la décision entreprise étant confirmée sur ce point.
Concernant la période postérieure au décès de Mme Af veuve Ab, c’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a relevé que les consorts Ab ne faisant état que de simples travaux d’entretien, ces derniers n’ouvrant pas droit à créance sur le fondement de l’article 815-13 du code civil mais à indemnité sur le fondement de l’article 815-12 du même code, cette activité consistant à maintenir cet immeuble en bon état d’entretien entre le mois de juillet 2012 et le 29 décembre 2015 en tondant régulièrement la pelouse et nettoyant le jardin et la maison avant la vente, justifie de leur allouer la somme de 1 000 euros à chacun qui devra être reintégrée dans leurs comptes d’administration respectifs. »