Prêt remboursable à la succession – prêt consenti à un des héritiers

 

En cas de prêt consenti à l’un des héritiers, ce prêt est en principe rapportable à la succession. Si l’héritier concerné ne signale pas aux autres héritiers l’existence dudit prêt, il s’expose aux sanctions propres au recel d’héritage.

Lorsqu’un héritier réservataire a reçu un prêt de la part du défunt, pour par exemple faire l’acquisition d’un bien immobilier, cette somme doit en principe être rapportée à la succession. A défaut, les autres héritiers peuvent forcer le bénéficiaire du prêt à rembourser ladite somme en justice, en faisant appel à un Avocat spécialisé en droit des successions, qui saisira le tribunal judiciaire compétent.

Il en est d’ailleurs de même pour une donation.

Un prêt consenti à un héritier par un défunt pose des questions complexes lors du règlement de la succession. Son exigibilité, son traitement successoral et son impact fiscal doivent être analysés avec rigueur. Il est essentiel de comprendre les mécanismes du rapport des dettes et les limitations imposées par la prohibition des pactes sur succession future.

1- Nature du prêt et rapport des dettes

Lorsqu’un défunt accorde un prêt à un héritier, cette créance devient un élément du patrimoine à partager. Selon l’article 864 du Code civil, cette dette entre dans la masse successorale et doit être prise en compte lors du partage.

Le rapport des dettes diffère du rapport des donations. Il ne concerne pas les libéralités, mais uniquement les créances que la succession détient sur un héritier. Cela signifie que l’héritier débiteur doit intégrer le prêt dans le calcul de sa part successorale, ce qui peut impacter la répartition des biens.

2- Exigibilité du prêt au moment du partage

L’exigibilité du prêt successoral au moment du partage dépend de ses modalités initiales :

2.1- Dette exigible

Si le prêt est immédiatement exigible, l’héritier doit le rembourser à la succession, ce qui augmente l’actif partageable entre les co-héritiers.

2.2- Dette non exigible

Si le prêt n’est pas encore échu, la dette est attribuée à l’héritier débiteur dans le cadre du partage. Toutefois, si la somme due excède les droits de l’héritier sur la succession, ce dernier reste redevable du solde dans les conditions du contrat initial.

3- Prohibition des pactes sur succession future

Le Code civil interdit les pactes sur succession future, c’est-à-dire les accords modifiant les modalités de transmission avant l’ouverture de la succession. Une clause stipulant que le remboursement d’un prêt sera exclusivement pris en charge par les héritiers est donc nulle.

Toutefois, la jurisprudence distingue les situations :

  • Si la créance existe au moment du prêt et que l’exécution est simplement différée jusqu’au décès, elle peut être valide.
  • Si la clause impose une obligation successorale exclusive, elle est frappée de nullité.

4- Conditions et implications d’un prêt remboursable à la succession

4.1- Validité des clauses de remboursement différé

Un prêt avec un remboursement reporté au décès peut être accepté s’il prévoit des échéances régulières. Une simple suspension du paiement jusqu’à la succession ne doit pas constituer une obligation successorale exclusive, sous peine d’être contestée.

4.2- Traitement fiscal et successoral

Un prêt en cours au moment du décès est inscrit au passif de la succession. Il est déductible pour le calcul des droits de succession à condition de prouver son existence via :

  • un acte notarié,
  • un acte sous seing privé avec date certaine.

Si le prêt a été remis sans remboursement, cette remise est considérée comme une donation indirecte et doit être rapportée à la succession.

5- Jurisprudence et décisions de justice

5.1- Validité des conventions de remboursement différé

La Cour de cassation a admis qu’une reconnaissance de dette prévoyant un remboursement au décès du prêteur pouvait être valide si elle conférait un droit actuel de créance au prêteur. En revanche, les clauses imposant un remboursement uniquement par la succession ont été jugées nulles.

5.2- Rapport des dettes et preuve de leur existence

En cas de litige, la charge de la preuve repose sur la succession (créancier) qui doit démontrer la réalité du prêt et ses conditions. L’héritier débiteur peut contester la dette en prouvant qu’il s’en est déjà acquitté.

 

Exemple : CA Reims, 26-11-2021, n° 20/01478

« – Sur le rapport successoral :

Attendu qu’il n’est pas contesté par les parties que, par acte authentique reçu le 30 juillet 1991 par Me Henri Conreur, M. Jean Rondet a acquis la propriété d’un immeuble à usage d’habitation en l’état futur d’achèvement sis 4 et 6, rue Jean de la Fontaine à Epernay (51) au prix de 735 900 francs (112 187,23 euros), bien acquis notamment au moyen du versement par Mme Ao Ap veuve Ac du prix provenant de la vente de son bien immobilier sis à Epernay, 97 rue des Jancelins, pour la somme de 700 000 francs (soit 107 714,321 euros), bien dépendant de la succession de son époux;

Qu’il n’est pas davantage discuté par les parties que M. Jean Rondet a reconnu devoir à sa mère la somme de 112 187,23 euros, le premier juge ayant qualifié l’obligation de l’intéressé envers Mme Ao Ap veuve Ac de prêt;

Que la cour observe que ni Mme Ab veuve Ac ni ses enfants Af et Ad ne remettent en cause cette qualification juridique, pas plus du reste que les consorts Ac, Ah et Ag, ces derniers soutenant que leur frère Ai n’a strictement rien remboursé à leur mère, les documents aujourd’hui communiqués aux débats n’étant selon eux nullement probants, les appelants soutenant le contraire en ce que leur époux et père a bien remboursé à Mme Ao Ap veuve Ac la somme de 417 010 francs (ou 63 522,77 euros), ces derniers ne remettant pas en question la décision déférée du chef du reliquat de ce prêt et de la qualification de donation rapportable à la succession de la défunte retenue par le premier juge dans la proportion de 48 614,47 euros (318 890 francs), leur recours portant principalement sur la sanction du recel qu’ils réfutent catégoriquement;

Que, pour justifier du remboursement partiel par leur auteur de la somme de 63 522,77 euros (417 010 francs), Mme Ab veuve Ac ainsi que M. Af Ac et Mme Ad Ac divorcée Ae produisent aux débats en originaux les reçus correspondant aux versements de Jean Rondet à sa mère entre le 31 juillet 1991 et le 31 décembre 1999, ces documents étant effectivement en parfait état de conservation, ce qu’un classement dans une enveloppe peut suffire à expliquer, l’examen de ces reçus révélant que c’est bien toujours la même écriture qui y est visible;

Que, par ailleurs, la signature apposée sur ces documents, à l’exception de deux que manifestement que Mme Ap veuve Ac a oublié de signer, est toujours la même et le rapprochement de ces quittances et de la lettre du 31 décembre 1999 qu’elle a adressée à son fils Ai comme de l’acte authentique de vente du 18 septembre 1991 ne permet en aucun cas de repérer des différences significatives de telle sorte que la suspicion de faux émise par M. Ah Ac et Mme Ag Ac n’est pas utilement étayée pour que la cour doute de la valeur probante des pièces ainsi transmises par les appelants;

Que c’est donc à bon droit que le premier juge a considéré que M. Jean Rondet avait bien remboursé partie du prêt accordé par sa mère et ce à concurrence de 417 010 francs, c’est-à-dire 63 572,77 euros, le rapport à la succession étant dû à concurrence de la différence entre le montant total du prêt, soit 112 187,23 euros (ou 735 900 francs) et la somme remboursée sus-visée, c’est-à-dire la somme de 48 614,47 euros dont Mme Ap veuve Ac a fait ‘cadeau’à son fils selon les termes de sa lettre du 31 décembre 1999, ce reliquat étant assimilé à une donation dont le rapport est dû à la succession de la défunte, de la valeur du bien acquis au moyen de cette somme et d’après son état à l’époque de la donation;

Que le jugement déféré sera donc confirmé de ces chefs; »

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